La profession pharmaceutique s’apprête à connaître sa plus importante mobilisation depuis une décennie. Ce jeudi, les pharmacies de France pourraient rester majoritairement fermées. Cette action d’envergure vise à attirer l’attention sur plusieurs problématiques sensibles : les pénuries récurrentes de médicaments, les fermetures progressives d’officines, et la potentialité d’une libéralisation de la vente en ligne. Par cette grève, les professionnels du secteur sollicitent également une revalorisation de leur rémunération.
La grève fédère l’ensemble des acteurs de la profession, incluant syndicats, groupements de pharmaciens ainsi que les étudiants. Des rassemblements sont orchestrés dans diverses régions, particulièrement au sein des villes universitaires. Les manifestants se donnent rendez-vous devant des lieux clés tels que les préfectures, les Agences régionales de santé (ARS), ou encore les CPAM, selon les directives syndicales.
Une profession économiquement vulnérable
La décision de faire grève, peu commune dans ce secteur, traduit une situation d’urgence. Selon les syndicats, jusqu’à 90% des pharmacies pourraient baisser le rideau ce jour-là, un chiffre pouvant même atteindre 100% dans certaines municipalités. Face à cette mobilisation d’ampleur, seules les officines réquisitionnées par les préfectures resteront accessibles pour garantir la continuité des services pharmaceutiques indispensables. De nombreuses pharmacies ont préalablement informé leur clientèle via divers moyens de communication.
Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), souligne l’inquiétude majeure : la disparition progressive des pharmacies, particulièrement fragilisées en milieu rural mais aussi, à un moindre degré, en milieu urbain. La France aurait perdu environ 2.000 officines en dix ans, un déclin significatif pour un réseau comptant aujourd’hui près de 20.000 établissements et employant autour de 130.000 personnes.
Face à l’inflation impactant les charges, la profession appelle à une revalorisation de leur rémunération d’ici 2025, jugeant les récentes propositions de l’Assurance maladie insuffisantes. Une réunion décisive est prévue le 5 juin avec l’Assurance maladie, rappelle Philippe Besset.
Une volonté de “marquer le coup”
La manifestation prévue à Paris constitue le temps fort de cette journée de mobilisation. Le cortège partira de la faculté de pharmacie pour se diriger vers le ministère de l’Économie. Jérôme Koenig, directeur général de l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), évoque l’intention de la profession de faire entendre sa voix, dans un écho à la mobilisation de 2014.
La profession souhaite également mettre en avant les pénuries de médicaments, la précarisation économique des officines en milieu rural, ainsi que la réforme attendue du troisième cycle des études de pharmacie. La simplification de la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est également une préoccupation majeure, perçue comme une menace potentielle pour le réseau traditionnel des pharmacies.
Le monopole des pharmacies préservé
Face à ces inquiétudes, Marc Ferracci, député Renaissance, appelle à la prudence. La question de l’assouplissement des règles entourant la vente en ligne de médicaments sans ordonnance est actuellement à l’étude, sans pour autant envisager de remettre en question le monopole des officines. Il réfute également l’idée de permettre la vente de médicaments via les grandes plateformes en ligne, comme Amazon, cherchant ainsi à dissiper les spéculations récentes.
Cette grève des pharmaciens s’annonce donc comme un moment clé pour l’avenir de la profession, entre défense de leur modèle économique et adaptation aux enjeux contemporains de la santé publique.