Le Front national a lancé, ce mercredi, son collectif sur l’écologie. Il s’agit d’une nouveauté pour le parti de Marine Le Pen, dont le discours a fluctué sur le sujet, que ce soit sur la sortie du nucléaire (qu’il défendait en 2011, avant de devenir plus ambigu pour les présidentielles et de se positionner contre aujourd’hui) ou sur le gaz de schiste.

Le programme de 2012 était vide de toute considération précise sur l’écologie : il ne parlait que de « couvrir à terme 10 à 15% de nos besoins énergétiques » avec les énergies renouvelables… Or, comme l’explique Mediapart : « l’hydraulique, l’éolien, le photovoltaïque et la biomasse représentaient déjà 12,9% de la consommation finale d’énergie en 2010. Et la loi fixe comme objectif de parvenir à 23% de la production énergétique totale en 2020. Pourquoi réduire ce seuil, alors que le programme affirme l’importance du «souci écologique» ? » Le Front national assurait d’ailleurs, rappelle le Huffington Post, que les énergies renouvelables ne sont « pas réalistes en l’état ».

Le nouveau collectif est donc là pour renouveler le programme du Front sur le sujet, en même temps que pour assurer la communication du parti. C’est Philippe Murer, économiste proche de Jacques Sapir et auteur d’un livre intitulé La transition énergétique, qui en prend la tête. Celui-ci assure, dans son livre, qu’un plan de transition énergétique ne peut être financé que par une banque centrale, qui ne peut selon lui pas être la BCE, ce qui implique une sortie de l’euro. Il pense aussi inutile de poursuivre un accord international, et affirme que c’est à la France de donner l’exemple, ce qui lui donnerait par ailleurs un avantage économique (énergie peu chère, technologie à exporter, emplois créés). Il est cependant difficile de penser que son plan d’investissement, « de l’ordre de 1600 milliards d’euros » sur vingt ans, est entièrement repris par un parti qui, il y a deux ans, se donnait pour objectif de maintenir, à terme, la part actuelle des énergies renouvelables. Philippe Murer explique lui-même que « toutes nos propositions n’engagent pas le Front national, même si j’ai bon espoir qu’elles inspireront Marine Le Pen ».

Le livre de Philippe Murer ne s’intéresse pas, en réalité, à la question écologique : il propose un plan de transition énergétique, et se concentre sur les critères et aspects économiques de ce plan.

Si le FN ne tient pas encore un discours concret sur l’écologie, ce n’est pas la première fois que le thème est abordé par le parti. Mediapart écrivait ainsi, en 2012, que « le vernis environnemental du FN habille en réalité une vision du monde très classique de l’extrême droite. La défense de la nature est prônée comme un bouclier contre les migrations et le mondialisme. Dans son programme, l’écologie est pensée comme une frontière contre les dangers extérieurs. La nature française doit être préservée au nom de la défense de «l’identité nationale». Le choix des mots est important. Le FN ne parle pas de «biodiversité», ou «de préservation des espèces» mais de «respect des lois de la nature». Transparaît ainsi une vision disciplinaire, hiérarchique de l’environnement. C’est aussi un rapport patrimonial à la nature : il faut la protéger car c’est le legs que «nous allons laisser à nos enfants». Et une conception propriétaire: on la sauve pour protéger les intérêts de notre lignée. De la même manière, aucun impôt écologique ne doit être toléré. Les individus doivent être responsabilisés […] La défense des droits des animaux, notamment leur protection contre la souffrance infligée par leurs conditions d’élevage, d’abattage et les abandons d’animaux de compagnie, s’étend sur tout un paragraphe. Alors que pas une ligne n’est consacrée aux habitants des taudis victimes de pollution intérieure – les cancers d’origine environnementale sont simplement évoqués, sans diagnostic ni mesure préconisée ».

Marine Le Pen avait alors pris comme conseiller écologique Laurent Ozon, idéologue qui défend une écologie identitaire, c’est-à-dire un discours localiste, un attachement à la préservation du terroir (alors que le Front national défend, par ailleurs, l’agriculture intensive). Laurent Ozon avait dû démissionner après plusieurs tweets qui tentaient « d’expliquer » les attentats d’Oslo.

Marine Le Pen expliquait alors déjà que la relocalisation de l’économie devait engendrer « une baisse considérable des émissions de gaz à effet de serre, via une drastique réduction des circuits de transports au niveau international ». C’est encore cette idée qui a été répétée au cours de la conférence de présentation du collectif. Mais, comme l’a relevé Alternatives économiques (numéro de février 2014), « les transports internationaux de marchandises ne représentent en réalité qu’environ 1,5% des émissions mondiales ».

La conversion du parti à l’écologie est d’autant moins certaine que les députés FN ont voulu réduire la portée de la loi de transition énergétique, et se sont par exemple opposés à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le Front national continue aussi à avoir, dans ses rangs, des élus qui nient le dérèglement climatique. Le blog EELV de Rhône-Alpes cite par exemple Joël Cheval, conseiller régional FN, qui consacre au sujet bon nombre de ses interventions. Maurice Faurobert, lui aussi conseiller régional FN de Rhône-Alpes, partage ces idées.

Bastamag a, dans une étude, cité de nombreux autres exemples de discours et votes anti-écologiques du Front national. On peut aussi évoquer Jean-Richard Sulzer, conseiller économique du FN et conseiller régional dans le Nord-Pas-de-Calais, qui assure que « la région, à force de développement durable, arrive à se tirer une balle dans le pied ».

Wallerand de Saint-Just, trésorier du FN et candidat à la mairie de Paris, ne croit pas lui aux chiffres de la pollution, et doute de l’impact des « particules fines » sur la santé. Le Monde a réfuté ses affirmations. Wallerand de Saint-Just s’était aussi prononcé contre la mesure temporaire de circulation alternée à Paris, décrite comme une « nouvelle punition, nouvelle pénitence ». Il a par ailleurs parlé des « écolo-gauchistes » d’Airparif, association pourtant créée par un gouvernement RPR-UDF en 1979.

Plusieurs élus et cadres du parti, comme la fédération FN des Pyrénées-Orientales et Danielle Duret-Bachelier, relayent un article intitulé « Réchauffement climatique : l’énorme mensonge révélé ».

D’autres sujets, liés à l’écologie et à l’environnement et que nous étudierons plus longuement dans d’autres articles, sont récupérés de la même manière. Marine Le Pen déclare par exemple que « la souffrance des animaux doit maintenant cesser », et dénonce régulièrement les abatages rituels. Elle ne propose cependant rien pour l’expérimentation sur les animaux, l’élevage ou la chasse.

Le Front national combat aussi régulièrement, au cours des campagnes locales, les transports communs. Le Monde a consacré un long article sur le sujet.

La rédaction